Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/162

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Après avoir mené une vie si honorable pendant soixante-dix ans, je ne pouvais pas m’attendre à un événement aussi affreux.

« La plus douce consolation que j’éprouve, c’est de jouir de votre heureuse union avec notre douce et vertueuse Virginie.

« La perte de la fortune n’est presque rien pour moi ; elle ne peut m’affecter que par rapport à mes enfants, auxquels je la destinais. Je me complaisais à les voir heureux par la suite, tant par le souvenir de mon existence honorable et de ma carrière publique, que par l’aisance que je leur avais ramassée avec honneur. »

Il vécut six années encore, soutenu par la tendresse de sa femme, de ses filles et de ses petits-enfants, qu’il adorait. En proie à un asthme qui le faisait cruellement souffrir, il continua à se rendre à la Chambre ; une chaise l’attendait au bas de l’escalier, et on le portait jusqu’à sa place. On voulut l’empêcher d’y aller le jour où éclata l’insurrection de 1830. Des ouvriers étaient venus frapper à la porte de la maison qu’il habitait, rue de Grenelle, sous prétexte que l’appartement d’un pair de France devait contenir des armes. Un jeune médecin, son neveu, est auprès de lui et commence à s’alarmer, lorsque les coups deviennent plus rudes. « Laissez-les frapper, lui dit-il, je ne leur ai jamais fait de mal ; ils ne m’en feront pas. »