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À cette époque, les frontières de la France étaient inondées d’armées ennemies, pendant que nos arsenaux étaient dépourvus d’armes, de salpêtre et de poudre. On avait organisé quatorze armées, mais elles manquaient de tout. Il s’agissait de tout improviser, et on eut recours aux savants. On institua une administration particulière, afin de pourvoir à ces besoins. Le Comité de salut public me nomma, quoiqu’à contre-cœur, de ma part et de la sienne, inspecteur général des poudres et salpêtres dans le Midi. Je reçus mon arrêté de nomination au milieu des montagnes et vins de suite à Montpellier.

Je parcourus en un mois toute la Provence et le bas Languedoc pour former partout des ateliers de salpêtre ; le résultat de ce mouvement fut incroyable ; la terreur était telle que toute la population se précipitait dans les ateliers ; tous les particuliers y apportaient leurs terres salpêtrées et le combustible nécessaire[1].

  1. Par un arrêté du 4 nivôse an II, le Comité de salut public avait défini les pouvoirs confiés aux huit inspecteurs chargés, sur toute l’étendue de la République, « de répandre les lumières et l’ardeur républicaines pour l’exploitation que réclame la patrie ». Ces pouvoirs étaient presque illimités. Berthollet, qui avait mis ses talents au service du Comité de salut public et qui était un ami de Chaptal, lui écrivait le 18 pluviôse an II : « Ta mission te donne un pouvoir qui n’a de bornes que celles de l’activité publique. » Il est assez remarquable que le Comité de salut public, ordinairement si ombrageux, ait confié une telle autorité à un homme aussi suspect.