Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

souliers par jour, et que, partout ailleurs, il gagnerait trois francs ; je lui fis faire quelques questions auxquelles il répliqua avec l’accent de la conviction que « s’il avait eu ce métier pour gagner sa vie, on ne l’eût pas pris volant dans une boutique ».

La société doit moins aux condamnés qu’aux autres classes de détenus, parce qu’il faut qu’ils expient par des privations les torts qu’ils ont eus envers elle ; mais elle ne doit pas perdre de vue que presque tous doivent lui être rendus à l’expiration de leur peine, et qu’il est de son intérêt de les rendre meilleurs. Il faut donc leur faire contracter l’habitude du travail et les y intéresser pour le leur faire aimer. Il faut être juste envers eux, ne leur infligeant que des punitions nécessaires, entretenir parmi eux l’ordre et la décence, exiger l’émulation d’une bonne conduite par des égards et l’espérance de faire abréger leur détention, ne jamais oublier qu’ils sont hommes et écarter, dans le traitement, la nourriture et l’habitation, tout ce qui peut altérer leur santé, provoquer leur indignation et porter à la violence ou au désespoir.

Il existe une classe de prisonniers qui, quoique simplement détenus par présomption de crime ou de délit, éprouvent une captivité plus rigoureuse que celle des condamnés. C’est celle des prévenus. Dès qu’un crime ou un délit sont commis, on fait des recherches pour parvenir à connaître les cou-