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Page:Chaptal - Mes souvenirs sur Napoléon.djvu/79

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pables, et l’on s’assure, par prudence, de la personne de ceux sur lesquels portent les soupçons. Ces prévenus sont enfermés dans les prisons les plus voisines du tribunal qui doit juger. Là, on leur donne un mauvais lit composé d’une paillasse et d’une couverture, une soupe aux légumes et une livre et demie de pain noir ; le travail n’est point organisé pour eux ; on y voit des femmes qui y sont enfermées avec des enfants à la mamelle ; aucun vêtement n’est mis à leur disposition. Les prévenus en sont réduits à envier le sort des condamnés qui sont mieux couchés, mieux nourris et habillés par l’État. Ces derniers ont encore l’avantage sur les prévenus de pouvoir adoucir leur sort par le produit de leur travail. Cependant les condamnés ont à expier un crime ou un délit par des privations, tandis que les prévenus ne sont pas retranchés des rangs de la société, et qu’ils sont encore réputés innocents. Cette barbarie a pris naissance dans l’idée où a été le législateur que la détention du prévenu ne pourrait pas être longue. Mais l’expérience nous a prouvé, depuis longtemps, que c’était une erreur ; car j’ai vu, à la prison des Madelonnettes, en compulsant le registre des écrous, que des femmes prévenues pourrissaient dans cette prison depuis douze et quinze mois, sans pouvoir parvenir à être jugées. La raison qui m’en a été donnée par M. le procureur général, c’est que la