Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/129

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C’était une question, exigeant une réponse, ne fut-ce qu’un changement d’expression. Le cycliste se composa une mine superlative et pendant ce temps perdit l’initiative de la rencontre. Le naturel de la question lui avait fait perdre de vue un instant ce que la présence d’un civil à cet endroit pouvait avoir d’insolite. Déjà, avalé par la pente, il était passé. Quand il revint de sa surprise, Georges l’entendit crier :

— Eh, là !

Mais une longue côte et des milliers d’arbres les séparaient. L’écrivain sourit de son astuce. Mais, en fait, il avait agi plutôt par instinct que par habileté ou en vue de l’effet psychologique qu’il avait obtenu. Il regrettait que Jean n’ait pas été là au moment de cet incident pour en apprécier avec lui toute la saveur. Et il se rappela tout ce qui désormais allait les séparer. L’homme qui explorait naguère les bois avec son fils avait fait place à l’amant qui cherchait la solitude pour mieux revivre le souvenir de l’être aimé. La passion l’isolait, le refermait sur lui-même.

À son retour, il trouva son hôte, revenu de ses terreurs, mais plus pessimiste que la veille.