Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

restait fidèle au point de ne pas remplacer ses amis quand il les avait perdus.

Et tout à coup il comprit que cette sensation de vie gâchée qui le poursuivait depuis le matin, ce malaise indéfinissable, ce trouble à la pensée de la faillite de son œuvre, tout cela venait de la douleur qu’il éprouvait de la mort de Lucien. Rien ne s’expliquait autrement ! Il avait cru être indifférent à cette mort, mais depuis qu’il en avait été averti, tout son être se débattait — la nuit dans le cauchemar de l’homme traqué — tout son être cherchait à retrouver son équilibre et à reprendre goût à la vie, fut-ce en feignant de se soumettre à l’ultimatum du mourant. La mort de son ami lui enlevait le goût de vivre.


À peine consciemment, il se dirigea vers la maison où il savait qu’à cette heure il trouverait son père. En face du parc, cinq ou six jeunes garçons vêtus de blousons de daim, groupés avec leurs bicyclettes autour d’un transistor, obstruaient le trottoir. Les