passants arrivés à leur hauteur descendaient sur la chaussée pour contourner cet obstacle humain, indifférent ou peut-être sadique. Georges marcha sur eux d’un pas vigoureux. Ils s’écartèrent pour le laisser passer, mais seulement au dernier moment. Aucun d’eux ne paraissait costaud ou belliqueux et le plus âgé n’avait pas dix-huit ans. Apathiques ou drogués ?
La maison des Hautecroix dressait ses trois étages de pierre sombre sur l’emplacement de la villa que la famille possédait au début du siècle dernier alors que les approches du mont Royal se trouvaient encore en pleine campagne. Ses anciennes fenêtres à petits carreaux en forme de losanges et reliés comme les vitraux par des résilles de plomb, donnaient encore sur les pentes boisées. Au delà de la lourde porte de chêne, percée d’un judas dans sa partie supérieure, on avait l’impression de pénétrer dans les arcanes du passé. Le silence y possédait une qualité envoûtante, irréelle. Les sombres boiseries, les tentures brunes, mordorées ou grenat, les meubles bas et plaqués de mosaïque, les fauteuils de tapisserie, garnis de dentelles, créaient une atmosphère de calme et de beauté. Les murs disparaissaient sous une agglomération de portraits de toutes