Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/69

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gueur démesurée. Il avait les gestes lents des cinéphiles qui modèlent leur attitude sur celle d’un acteur aimé, un sourire bien posé, découvrant deux rangs de fortes dents blanches.

Une longue balafre, que Georges n’avait pas remarquée tout d’abord, sillonnait le côté gauche du visage. Comme il s’agissait d’une sorte de garden-party, il était venu en veston vermeil. Il regardait son hôte sans fausse gêne, riant doucement, sans bruit, quelque peu insolent. Il semblait attendre que Georges prit l’initiative de la conversation. Celui-ci s’informa poliment du travail de Mayron, qui dirigeait une revue d’avant-garde.

— Je me propose justement de vous consacrer un article, en réponse aux Jeunes Débats…

— Vous allez peut-être me redonner confiance en la jeune génération, dit Georges. J’ai eu l’imprudence d’accorder une interview à un inconnu qui n’avait pas lu une seule ligne de mes livres. L’article ne manquait pas de mordant, mais il se ressentait de tant d’ignorance. Ai-je été ainsi à l’âge de ce reporter ? Je ne puis le croire. Je connaissais mes aînés, du moins ceux qui comptaient. Et je ne serais jamais allé les voir sans me renseigner.