Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/86

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Chaque écrivain, pensait-il, refait un livre, reprend une histoire qu’il a aimée. Non seulement l’écrivain ne donne-t-il, sous des formes différentes qu’un seul livre, mais il y a en chacun de nous un de ces livres. Ce livre quand il est grand devient la voix d’une génération dans un pays. Dans ces cas, le personnage échappe au livre et devient un symbole, une légende. Il y avait une vieille légende de Faust, qui avait intéressé les écrivains, mais après Goethe, le Faust de la légende c’est le sien. De même Candide ou Peer Gynt, ils dépassent le livre ou la scène, ils vivent sans eux.

Qu’est-ce que ces personnages ont donc de commun ? Ils sont plus imaginaires que réels, plus colorés que vrais, ils sont la concrétisation d’une idée. Ils sont peu ou à peine décrits. On ne sait pas la couleur des yeux de Faust, peu de gens reconnaîtraient Manon à la description de l’abbé Prévost, on ne se rappelle pas le visage de Candide — on sait seulement qu’il est bien tourné. — Ces personnages sont essentiellement liés à une action. Ils sont typiques d’un peuple. Ils sont uniques dans l’œuvre de leur auteur.

« Voilà, cher Lucien, le livre que je voudrais écrire pour répondre à ton défi. »