Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/92

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Jeanne venait le rejoindre. On n’allumait pas à cette époque, toujours à cause des moustiques. À 9 h. 30, il se retirait.

Quand il allait à la pêche ou en randonnées de reconnaissance avec Jean, il s’accordait toute la journée. Partis à l’aube, ils ne rentraient alors qu’à la brunante.

Il se serait volontiers accommodé de vivre ainsi toute l’année. Au besoin, Jeanne et son fils l’y auraient même poussé tant ils appréciaient la liberté de cette vie champêtre. Mais la rigueur des hivers écarte toute idée de travail intellectuel prolongé à la campagne entre novembre et mai. Il aurait fallu, à l’instar de quelques grands écrivains cosmopolites modernes : Hemingway, Ezra Pound, Lawrence Durrell, trouver un climat vraiment tempéré. Mais l’écrivain canadien doit d’abord assurer sa vie, consacrer les plus belles heures de sa journée à un métier, parfois ingrat, souvent accompli dans une langue étrangère, qui laisse dans la bouche un goût amer.

Le premier jour, il travailla frénétiquement. Le dépaysement favorisait la création. Il écrivait debout sur la console d’une armoire à socle. Par la fenêtre ouverte, les fleurs, les herbes, la terre chauffées par le soleil de ce début de juillet s’engouffraient dans la chambre