Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/39

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Accablé par mon destin, je n’osais révéler la vérité ni à mes parents ni à mes maîtres. Je voulais surtout laisser les premiers dans l’ignorance de mes malheurs, ne voulant pas ajouter à leur mépris de mon intelligence. À l’école, je mettais ma fierté à garder mon secret qu’on ne perça jamais. Je me réfugiais dans la lecture. Thérèse, en dehors de son engouement pour la photographie, consommait beaucoup de romans. Elle fut longtemps, sans le savoir, la principale pourvoyeuse de ma soif de connaître.

J’étais, à cause de la frayeur que me causait tout étranger, incapable de suivre les discours qu’on m’adressait. Il me fallait sans cesse demander de répéter. J’avais toujours l’impression à la lecture des notes que le plus important m’échappait. Mon appréhension du moment où je devais être nommé était si grande que je ne percevais plus rien d’extérieur. J’avais aussi cette effrayante manie, fatigué sans doute par la tension soutenue que je m’imposais, de ne pouvoir astreindre mon esprit longtemps au sujet et de le laisser dériver au moment crucial.