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Page:Charbonneau - Les Désirs et les jours, 1948.djvu/114

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LES DÉSIRS

— Je vous le promets, dit-il. Vous êtes sans parents, Lucienne, je n’ai plus d’enfant, je vous adopterai et vous hériterez de tout.

— Laissez-moi dormir, dit-elle et, de grâce, taisez-vous.

— Qu’est-ce qui se passe, dit la bonne ? attirée par ce bruit insolite.

— Je viens d’offrir à Lucienne de devenir ma fille et elle refuse.

— Elle a raison. Vous êtes trop jeune pour être son père. Vous pourriez être son mari. Allez, laissez-la dormir.

La bonne, qui n’a rien compris à l’aventure et qui n’a rien vu de la scène, éclate de rire :

— Pour un rigolo, c’est un rigolo. A-t-on idée de déranger les gens dans leur sommeil pour les adopter ? Si j’étais vous, ma petite, j’y regarderais à deux fois avant de repousser un homme qui a au moins un million et que la femme qu’il aimera mènera par le bout du nez.

Lucienne fut profondément troublée par cette scène. Ce serait trop dire qu’elle découvrit les abîmes de l’aberration amoureuse, mais elle les pressentit confusément. Comme elle avait bon cœur, elle éprouva de la pitié pour le malheureux.