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VIII
PRÉFACE.

moins suspects que nous nous sommes attachés à demeurer sur le terrain de l’observation physiologique et pathologique, considérant que l’esthétique ou l’appréciation du génie individuel des maîtres n’était point spécialement de notre ressort.

L’un de nous écrivait, il y a presque trente ans[1], ces lignes, que nous pouvons reprendre pour cette Préface : «… La médecine est en possession de décider — il s’agissait d’observations sur un buste d’Esope que nous avions rencontré parmi les Antiques du Vatican — si telle ou telle imperfection de traits, d’attitude ou de conformation appartient à la nature ou au ciseau, et si conséquemment elle accuse chez l’artiste ou une grande habileté ou une grande impéritie. Il n’est pour ainsi dire pas d’irrégularité morphologique absolument circonscrite : ce n’est jamais qu’un centre d’où émanent, dans les parties environnantes et parfois à une grande distance, des caractères spéciaux entièrement subordonnés à la nature, au siège, au degré de la difformité, et qui la traduisent selon des règles fixes et nécessaires. » Diderot, au XVIIIe siècle, avait déjà indiqué les lignes générales de ce mode de critique naturaliste, que les artistes peuvent et doivent exercer sur leur propre production.

L’Antiquité ne nous a pas fourni de matériaux que nous ayons pu utiliser. Elle parait avoir toujours évité de peindre la Maladie. Elle s’est tout au plus bornée à représenter quelques cas de difformité. Si l’on a pu faire cette remarque que, même dans les représentations de combats, elle usa le moins possible de l’effet terrifiant des blessures et de l’effusion du sang, il va de soi qu’elle eût trouvé répugnants les mouvements irréfléchis, les visages grimaçants, les gestes hors de tout équilibre et de toute habitude que peuvent affecter les traits, les membres et le torse pendant les attaques.

Les premières représentations de démoniaques que nous ayons rencontrées, datent du Ve ou du VIe siècle. Elles ont surtout un caractère sacré. Plus tard, au Moyen Age, elles reproduisent des scènes de la vie des saints et sont du domaine essentiellement religieux.

À l’époque de la Renaissance, elles suivirent le développement du luxe dans

  1. Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie. Juillet 1857 : De quelques marbres antiques concernant des études anatomiques, avec trois planches, par J.-M. Charcot et A. Dechambre.