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IX
PRÉFACE.

les églises, puis, avec les maîtres italiens et avec Rubens, elles prirent un aspect particulièrement somptueux.

Les artistes espagnols se sont exclusivement attachés à reproduire les caractères de l’extase sur le visage et dans les gestes[1]. En revanche, l’école de Breughel, sérieuse sous sa forme excessive et caricaturale, nous a fourni des renseignements d’une valeur toute particulière, restituant avec les mœurs populaires les symptômes précis de la grande névrose, à propos des processions dansantes, désignées sous le nom de « danse de Saint-Guy ».

Au XVIIIe siècle, avec les convulsionnaires de Saint-Médard au tombeau du diacre Pâris, les scènes revêtirent un caractère plus spécialement anecdotique[2].

Nous n’aurons pas à parler des œuvres modernes, parce qu’aujourd’hui de telles représentations n’offrent que l’intérêt limité d’un sujet de commande. Elles prendront rang cependant, et la marche du temps leur imprimera à leur tour un caractère documentaire.

Dans les plus anciennes représentations de démoniaques, qui ne remontent pas au delà des Ve et VIe siècles de l’ère moderne, la possession est figurée d’une manière toute conventionnelle. Le possédé n’a rien de caractéristique, ni dans ses traits, ni dans son attitude. La présence du démon sous une forme visible au moment où il quitte le corps de sa victime est le seul signe qui permet de reconnaître les scènes d’exorcisme.

  1. M. P. Lefort a bien voulu nous indiquer les deux tableaux suivants, appartenant à l’école espagnole et ayant trait aux possessions démoniaques :
    Un Exorcisé de Goya, au musée du Prado, Madrid.
    Un tableau sur bois attribué au Berruguette et représentant un Exorcisme, également au musée du Prado.
    M. Ph. Burty nous signale l’existence, dans le couvent de Ste Domingo, à Salamanque, d’un tableau assez médiocre d’ailleurs, d’un artiste du XVIIe siècle et représentant St Ignace délivrant une femme possédée. Les diables qui s’échappent de la bouche de la patiente offrent ceci de particulier qu’ils sont colorés en vert. Cette couleur devait avoir toute la valeur d’un symbole. Le moyen âge en avait fait la livrée des démoniaques, si nous en croyons une ancienne « Relation » du Berry. « Peu de distance après ledit enfer, allait un démoniacle, vestu de satin verd, semé de pommes d’or, avec collet de taffetas jaune changeant et était coëffé d’un bonnet fait d’étrange façon, garni de quelques pierreries, conduit et mené par son père qui le tenait attaché d’une assez longue chaisne dorée, et estait ledit père vestu de satin jaune avec un collet à la mode judaïque. » (Relation de l’ordre de la triomphante et magnifique monstre des Saints Actes des Apôtres, faite à Bourges, avril 1536, par Amoul et Jacques Thiboust, sieur de Quantilly, etc…, recueillie par Me Labouvrie, notaire honoraire, Bourges, 1836.)
  2. L’école anglaise, ne nous a fourni aucun document.