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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

Saisie par son mal, la jeune femme tombe à la renverse et la rigidité a déjà envahi tout le corps. Cette chute n’a rien du laisser aller avec flaccidité musculaire de la syncope ou de l’évanouissement, ainsi que le pensait Ch. Blanc. On sent que ce corps ainsi courbé en arrière est raidi des pieds à la tête. Les membres inférieurs légèrement fléchis sont contracturés ainsi que le témoignent les pieds convulsés la pointe en dedans. La tête, fortement renversée, fait saillir le cou gonflé, et toute la face bouffie et turgescente trahit l’arrêt apporté à la respiration par le spasme généralisé. Les deux bras s’écartent du tronc comme pour exécuter ces grands mouvements toniques que nous décrivons plus loin et que les deux assistants semblent interrompre (Voy. p. 94). Il est vrai que, dans notre hypothèse, les doigts devraient être fléchis dans la paume de la main et les avant-bras en pronation au lieu d’être en supination. Mais la main droite est, sur la fresque, manifestement crispée, plus que ne le traduit notre dessin.

Tous ces caractères ne représentent pas l’accès d’épilepsie véritable, mais ils appartiennent sans conteste à cette phase de la grande attaque hystérique qui simule parfois à s’y méprendre l’accès épileptique, et que nous désignons du nom de période épileptoïde. Au-dessus de la possédée s’enfuient deux petits diables ailés.

André del Sarte n’avait que vingt-deux ans quand il peignit cette fresque. Peut-être devons-nous à ces circonstances cette fraîcheur d’impression et cette sincérité d’observation qui placent au premier rang cette œuvre du maître.


POSSÉDÉS GUÉRIS PAR SAINTE ALDETRUDE, SAINTE RADEGONDE ET SAINT HUGO

TROIS GRAVURES SUR BOIS (1515 OU 1518) D’APRÈS LES DESSINS DE HANS BURGMAIER

Ces gravures font partie d’une suite de 119 planches représentant les saints et saintes issus de la famille de Maximilien Ier[1]. Les personnages possédés qu’elles représentent sont conformes à la tradition, sans présenter aucun caractère pathologique spécial. Ils se contorsionnent d’une façon plus ou moins violente pendant qu’un diable fantastique s’échappe de leur bouche. Deux de ces démoniaques sont des jeunes filles, dont l’une est nue jusqu’à la ceinture ; le troisième est un homme vigoureux. Un détail particulier à noter touchant la cérémonie de

  1. Die Heiligen aus der « Sipp-Mag-und Schwägerschaft » des Kaisers Maximilian I. Von Simon Laschitzer, Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen des allerhöchsten Kaiserhauses, iv Dand. Vienne, 1886.

    Nous devons la connaissance de ces documents à l’obligeance de M. Mathieu Planchon.