Page:Chardon - Antonia Vernon.djvu/10

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jeté sur elle par ceux qui font le même chemin, ne se renouvelle pas. On voit à sa simple robe de laine noire, à son manteau mesquin, à son chapeau sans ornements et à sa démarche sans prétention, qu’elle suit directement son chemin pour arriver. Les passants n’attirent pas plus ses regards qu’elle ne désire attirer les leurs.

Mais l’observateur qui aime à deviner sous la forme extérieure la situation, le caractère et les idées, aurait pu plonger avec intérêt son œil investigateur sous le petit chapeau, si le voile abattu sur le visage de la jeune fille le lui eût permis, car alors il aurait vu un visage aux traits si fins, si distingués, et dont l’expression était si doucement gracieuse malgré une tristesse et des soucis visibles, qu’il en aurait été frappé. Ce qui ajoutait à cette charmante distinction, c’était l’extrême délicatesse de la taille élancée et la retenue modeste de tous les mouvements. Cependant, les yeux baissés comme s’ils regardaient en dedans, avaient, en se levant, un vif éclat, et de longs cils noirs encadraient un regard perçant, qui contrastait avec la calme expression du reste de la figure, où une grâce mélancolique dominait.

Cette jeune fille avait dix-huit ans et se nommait Antonia Vernon.

Avec cette pauvre petite toilette plus que mesquine, un voile de gaze noire, qui cachait son pâle