Page:Chardon - Antonia Vernon.djvu/16

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pièce de monnaie, car elle comprenait que la misère qui n’osait s’étaler en public devait être si douloureuse, que ce serait une louable action d’y apporter même le plus minime soulagement. Une fois, elle s’arrêta pour donner à la vieille femme le temps de parler, mais celle-ci s’arrêta et ne dit rien. Enfin, Antonia, prête à entrer dans une petite allée transversale qui devait abréger sa route et à s’éloigner ainsi de cette suite qui la gênait, voulut, en lui montrant son intérêt, écarter l’idée de crainte inspirée par sa présence dans l’esprit de cette pauvre femme, qui semblait si douloureusement affligée, qu’il ne fallait pas risquer d’ajouter à ses peines. Elle se retourna, mais elle fut quelques instants sans pouvoir parler, tant ce qui était là sous ses yeux lui paraissait encore plus triste que ce qu’elle avait supposé. Ce n’était pas seulement des vêtements en soie brune où la saleté le disputait à des trous sans nombre, un vieux châle de laine froissé et déchiré, et un chapeau jadis blanc, impossible à décrire, tant sa forme primitive avait subi d’altérations, qui la frappèrent de surprise, ce fut un visage comme elle n’en avait jamais vu… La pâleur et la maigreur d’une tête de mort toute dépouillée de chair, des lèvres tombantes et bleuâtres, des cheveux blancs, rares, et en désordre, puis des yeux qui firent reculer involontairement la jeune fille. Leur regard était comme un fer brûlant qui