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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.



X

PROPORTION, CARACTÈRE, HARMONIE, TELLES SONT LES TROIS CONDITIONS GÉNÉRALES DU BEAU DANS L’ARCHITECTURE.


Proportions. En arrivant sur la terre pour résumer la création antérieure et la couronner, l’homme y fit aussitôt briller le génie de l’ordre. 11 en apportait le besoin dans son esprit et l’image dans son corps. Doué d’une vie double, la vie organique, celle des viscères, et la vie animale ou de relation, celle de l’âme, il représentait, il contenait en lui tout à la fois et la nature inférieure qui l’avait précédé, et une nature supérieure, capable de comprendre la première et de la régir.

Soit que nous regardions la terre, soit que nous levions les yeux au firmament, nous ne voyons partout qu’un désordre immense et sublime. De même que le ciel nous montre des myriades de constellations qui paraissent dispersées par la main d’un semeur inconnu, de même la terre se hérisse à l’imprévu de montagnes aux formes bizarres, se couvre de forêts irrégulières et donne naissance à des fleuves dont le cours capricieux semble obéir à cette puissance obscure que nous appelons le hasard. Sans doute un principe d’ordre règne dans le monde et préside au retour constant des phénomènes naturels comme à ces révolutions des astres dont les désordres mêmes sont prévus par la science ; mais dans les spectacles matériels de l’univers, aucune symétrie n’est visible, et, s’il en existe une, elle échappe complètement à nos sens ; elle se perd dans les hauteurs inaccessibles de la pensée divine, elle est cachée dans l’infini. Sur la terre, après cependant que la nature a fait un aveugle effort pour prendre une forme régulière dans la cristallisation, la symétrie apparaît dans les animaux, et l’homme en est le modèle le plus éclatant. Le corps humain présente au plus haut degré l’image de l’ordre, et d’un ordre parfait, parce que la liberté s’y combine avec la règle, car il y a en lui une symétrie sans uniformité ; il a des membres semblables et des membres inégaux, des organes doubles et des organes simples, la similitude de droite à gauche et la variété de bas en haut. Cet ordre parfait répond dans la création à l’intelligence, il est l’emblème extérieur de la raison. Aussi l’homme éprouve-t-il le besoin de mettre de l’ordre dans ses pensées comme dans les phénomènes de la matière. Non content de posséder en lui la symétrie et la proportion, il les veut en dehors de lui. Ces montagnes bizarrement soulevées par les catastrophes du globe, il les soumet à sa géométrie et il les change en pyramides. Ces cavernes for-