Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
ARCHITECTURE.

lumière. Les montagnes de ces contrées sont hautes et froides, mais les plaines sont brûlantes. Pour trouver un abri contre les ardeurs du soleil, les habitants se creusent dans le roc des demeures inébranlables, à l’instar des excavations naturelles ; ils cherchent un refuge pour les vivants, un asile pour les morts ; ils y fouillent le temple de la divinité obscure dont ils ont une idée vague, et qui semble résider pour eux dans les entrailles de la terre. Cependant le sol est fertile et la population augmente. Les excavations ne lui suffisant plus, elle s’avance dans la plaine, et la voilà forcée d’élever sa construction ai lieu de l’ensevelir. Alors les matériaux extraits du rocher lui servent à intercepter les rayons du soleil par des murailles impénétrables. Puis, ces matériaux, qui s’étaient entassés naturellement en pyramides à l’entrée des cavernes, ils en imitent la disposition en bâtissant des pagodes qui diminuent de largeur à mesure qu’elles s’élèvent, et qui rappellent ainsi par leur forme et leurs étages superposés les premiers résultats d’une excavation… L’influence du climat est ici évidente, et les débuts de l’architecture indienne décideront, pour l’avenir, de sa physionomie. Les Indiens se plairont à changer d’immenses rochers eu vastes temples à ciel ouvert ; à façonner en pleine masse des chapelles, des galeries, des obélisques ; à tailler dans une montagne un éléphant colossal ; ils bâtiront de cette manière avec une patience inouïe des monuments d’une seule pierre, comme on en voit un exemple dans la prodigieuse architecture de Kaïlaça, où l’homme n’a eu que des vides à pratiquer dans le roc, tous les pleins étant faits par la nature.

« Sur le plateau élevé de l’Asie centrale, dit Thomas Hope (Hlstoire de l’Architecture), le Tartare n’a d’autre richesse que ses troupeaux ; dès qu’un pâturage est épuisé, il doit transporter dans un autre sa famille et son bétail ; il aura donc une habitation qui puisse le suivre partout, aussi légère, aussi facile à déplacer que l’exige sa vie errante, et qui s’accorde avec ses besoins et ses ressources ; aussi la construit-il avec les peaux des bêtes dont la chair le nourrit. En route, il déploie ces peaux pour en couvrir le chariot qui transporte sa famille ; veut-il s’arrêter un instant, il les étend sur des pieux, les attache avec des épingles de bois et ne s’occupe jamais d’affermir dans le sol les fondements de cette construction temporaire. »

Eh bien ! de ces premières habitudes, si bien observées, d’un peuple pasteur, sortira toute l’architecture chinoise. Lorsque les Tartares descendirent dans les plaines fécondes de la Chine et y fixèrent leur demeure, ils conservèrent dans leurs constructions les formes de la tente, sans doute parce que ces formes consacraient le souvenir de leurs campements primitifs, et devaient rappeler constamment à leurs neveux l’ancienne liberté d’une vie errante et la poésie des ancêtres. En effet, comme le remarque de Pauw, il est impossible de ne pas reconnaître la contrefaçon