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ARCHITECTURE.

Ah ! ce furent des artistes privilégiés que ces Grecs d’Athènes ! Il leur fut donné d’être les interprètes de la nature et non ses copistes, de pénétrer profondément ses mystères et de ne point s’asservir à elle, surtout dans cette œuvre d’art par excellence où il faut que le phénomène réel se métamorphose pour s’élever à la puissance architectonique, c’est-à-dire à l’immobilité des choses éternelles.

Il est donc vrai que les formes que l’architecture emploie sont puisées à des sources différentes. Au commencement, c’est le constructeur qui les commande ; ensuite l’architecte les modifie pour y ajouter une muette éloquence ; le poète enfin vient en achever l’expression et la nuancer en évoquant toutes les puissances de la nature. Lorsqu’un bâtiment n’a que les formes absolument voulues par les nécessités de la construction, il n’est encore qu’un ouvrage d’industrie ; quand il reçoit les formes expressives, il est une œuvre d’art, et quand il se trouve compté par les formes imitatives, il revêt toutes les richesses de l’architecture. Il est sensible toutefois que les formes du troisième genre appartiennent plutôt à l’art du sculpteur, et que, rigoureusement, l’architecture peut produire de beaux effets et même frapper de grands coups sur l’imagination sans le secours des parties décoratives et des images substituées. Que dis-je ! elle est alors d’une beauté sévère et d’une grandeur qui parfois monte au sublime.

Ces observations étaient indispensables pour préparer le lecteur à l’intelligence des propositions qui vont suivre. Il devra s’intéresser maintenant à des formes qui, sans avoir rien d’arbitraire, se prêtent néanmoins à la liberté de l’art. Il pourra saisir et apprécier jusqu’aux plus fines nuances qui distinguent les diverses architectures, et celles qui ont pour principe générateur une variété de l’arc, et celles qui rentrent dans le système, antérieur, de la plate-bande.



XV

L’ARCHITECTURE MONUMENTALE EN PLATE-BANDE EXPRIME LES IDÉES DE CALME, DE FATALITÉ ET DE DURÉE.

Les belles observations faites par Humbert de Superville sur l’horizontalité et l’obliquité des lignes du visage humain trouvent ici encore une éclatante application à l’architecture. Lorsque les organes doubles sont rangés sur une ligne parallèle à l’horizon (en supposant l’homme debout), la face humaine exprime le repos de l’âme, l’équilibre des facultés morales, a sommeil des passions. Sans même qu’il soit besoin de donner une forme à ces lignes abstraites, elles ont déjà une physionomie si claire, si frappante, qu’il est impossible de s’y méprendre au premier coup d’œil. Et pour s’assurer