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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

l’ordre. Cette solution, d’ailleurs, était inévitable, soit que la métope restât vide, comme nous l’avons dit plus haut, soit qu’elle fût remplie par une dalle. Dans le premier cas, il eût été absurde que l’édifice se terminât aux angles par des vides, car si un point d’appui est nécessaire, c’est surtout à l’angle d’une construction : dans l’autre cas, si la métope était pleine, on avait à l’angle une demi-métope, indiquant une retraite là où le regard désire une saillie, et montrant une partie faible là où l’esprit demande une partie forte. La raison et le sentiment, l’utile et le beau s’accordaient ainsi pour faire porter le dernier triglyphe à l’angle de la frise. Nous verrons bientôt comment les Romains, s’écartant peu à peu des modèles de l’architecture grecque, ont fini par agir comme s’ils n’en comprenaient plus le sens.

En continuant d’examiner dans ses détails l’entablement dorique, nous voyons au-dessus de la frise une suite de tables inclinées, appelées mutules, qui s’avancent également sur les triglyphes et sur les métopes, et qui semblent exprimer la projection des pièces de charpente qui soutenaient la saillie du larmier, saillie nécessaire pour éloigner l’égouttement des eaux, même sur les faces où il n’y a point de toit. Ces espèces de corbeaux, formant le plafond du larmier, sont, dans l’ordre dorique, ornés de trois rangs de petits cônes tronqués au nombre de six pour chaque rang, lesquels sont quelquefois tracés en creux, mais le plus souvent sculptés en relief. Que signifient ces appendices ? Vitruve les appelle encore des gouttes ; mais il est évident cette fois qu’il ne peut pas y avoir de gouttes sur une surface qui est inclinée tout exprès pour les éviter. Ces prétendues gouttes représentent sans doute, comme celles de l’architrave, les chevilles au moyen desquelles le charpentier avait fixé sous les chevrons un plancher pour en cacher les maigres saillies.

Quant aux mutules, Vitruve les regarde comme une image des forces, c’est-à-dire des maîtresses pièces du comble. Et, en effet, dans quelques monuments grecs, notamment au temple de Thésée, à Athènes, l’inclinaison des mutules continue exactement celle du toit. Mais s’il faut admettre l’explication de Vitruve, l’image ne serait juste que sur les faces latérales de l’édifice, puisque le toit, dans les temples grecs, n’a que deux pentes ; elle serait de pure convention sur les façades principales, qui n’ont point de toit. Les forces, d’ailleurs, devraient être aussi espacées que les colonnes, et non pas aussi rapprochées que des chevrons. C’est ici le cas de rappeler ces paroles sensées de Claude Perrault : « Il faut concevoir que les mutules qui sont au droit des colonnes sont les seules qui représentent les bouts des forces, et que celles qui sont entre deux y sont ajoutées pour la bienséance, de même que les triglyphes. »

Quand on regarde l’édifice à une certaine distance, ces mutules inclinées qui forment le plafond de la corniche sont cachées aux regards par la surface rectangulaire et verticale du larmier. Cette surface, pour laisser