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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

la supprimer sans compromettre la solidité réelle et apparente du monument. Dans le Parthénon (comme le fait observer M. Viollet-Le-Duc), la fonction du chapiteau est mieux comprise et mieux accusée. L’architrave dépassant le nu de la colonne, on sent mieux que l’évasement du chapiteau a pour objet d offrir une assiette plus large au fardeau qu’on lui impose.

Mais en étudiant de près le Parthénon, les architectes de nos jours y ont découvert le secret d’une harmonie ravissante et d’une incomparable beauté. Les horizontales sont renflées suivant une courbe insensible. Le soubassement de l’édifice, les architraves, la frise, le fronton, offrent une convexité inappréciable qui charme le regard sans se laisser deviner. Au contraire, les entablements sur les faces latérales forment une ligne concave, de sorte que les angles du temple ne sont pas exactement droits, mais légèrement aigus ; les murs se penchent l’un vers l’autre, et, au lieu d’être tracés au cordeau, ils décrivent une courbe rentrante ; les colonnes s’écartent de la perpendiculaire pour s’incliner légèrement vers le centre imaginaire du temple, et cette inclinaison est plus prononcée dans les colonnes angulaires, qui semblent épauler tout l’édifice. De même que chaque colonne s’élargit à sa naissance et va diminuant jusqu’au chapiteau, pour être et pour paraître d’autant plus solide, de même le monument tout entier, plus largo à sa base que dans son élévation, prend la forme d’une pyramide tronquée dont l’invisible sommet se perdrait dans les nuages, à la hauteur de l’Olympe. Cette déviation de la verticale avait sa tradition dans l’antique Égypte, où les murs sont toujours en talus et les portes plus étroites au linteau qu’au ras du sol. Quant aux courbes horizontales, il faut les regarder comme une pure invention du génie grec, invention qui remonte au viiie siècle avant notre ère, car on en trouve déjà le principe dans un des temples de Pæstum. Avec une sagacité exquise, l architecte athénien avait remarqué sans doute qu’une horizontale prolongée, si elle est rigoureusement droite, paraît fléchir vers son milieu comme ferait une corde tendue, et c’est pour corriger cette illusion qu’il relevait la ligne droite là où les yeux auraient cru la voir s’abaisser. Une surface plate, quand elle est très étendue, se creuse vers son centre, et c’est pour lui rendre sa fermeté que l’artiste grec lui donnait un imperceptible renflement, ainsi que le remarque M. Penrose (An investigation of the principles of athénian Architecture, 1851), l’architecte anglais qui a si savamment analysé et chiffré à un millième près toutes ces courbes, et qui les a notées comme une mélodie musicale, selon l’excellente expression de M. Beulé (L’Acropole d’Athènes).

Il y a plus : loin d’être enchaîné à une parfaite égalité de mesures pour les membres semblables, Ictinus, avec une étonnante hardiesse, modifia, par exemple, la largeur des abaques de telle sorte qu’ils sont plus larges sur les faces méridionale et occidentale que sur les deux autres