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ARCHITECTURE.

faces. Pourquoi ? sans doute parce que le côté du midi, qui domine l’escarpement du rocher, et le côté du couchant, devant lequel se trouvaient des enceintes sacrées, ne pouvaient être vus que très obliquement par le spectateur placé sur l’Acropole. Dans ce raccourci aigu, les abaques se seraient confondus, et, le jeu des vides qui les séparent étant supprimé, l’œil n’aurait aperçu qu’une seule pierre interminable. En s’écartant un peu des rigueurs de la symétrie, l’architecte a corrigé un effet désagréable, là où le spectateur n’aurait pu l’éviter lui-même en se déplaçant.

Les déviations les plus légères, les inflexions les plus subtiles servaient de la sorte à redresser les erreurs de la vue, et ici encore la délicatesse du mensonge appuyait l’expression de la vérité. Quant à ces courbes merveilleuses, c’était la contemplation de la nature qui les avait inspirées aux Grecs. Plus d’une fois, nous plaçant à l’orient du Parthénon et regardant la mer du haut de ces ruines, dans un jour de calme, nous avons été frappé de la similitude qui existe entre la courbe du fronton occidental et celle qui dessine l’horizon de la mer, de l’île d’Égine au cap Sunium. Les deux arcs paraissent avoir le même rayon… Qui sait encore si de ces courbes mystérieuses ne résulte pas l’étrange effet de ce temple fameux, dont la grandeur réelle est si fort au-dessous de la grandeur apparente ? Qui sait si, en évitant partout la ligne qui est le plus court chemin d’un point à l’autre, on n’a point trompé secrètement le spectateur et agrandi l’aspect du monument ?

Mais l’étude de ce chef-d’œuvre va nous fournir un autre enseignement : c’est que le canon des proportions était chez les Grecs une règle élastique, une échelle mobile des mesures que l’artiste pouvait dans le détail varier à son gré et à l’infini.

Le corps humain, nous l’avons dit, présente quelques rapports essentiels et dominants, celui-ci, par exemple : l’homme, en étendant les bras, donne la mesure de sa hauteur, laquelle est égale à dix-neuf fois le médius ; — mais, en dedans de ces limites, il y a place pour des variétés individuelles sans nombre et sans fin. Celui-ci a une petite tête sur un cou effilé, celui-là est très haut de buste sur des jambes courtes, cet autre a des jambes allongés aux dépens du torse… C’est ainsi que procède la nature pour créer ces êtres toujours divers et toujours innombrables dont se compose l’espèce humaine. L’exemplaire éternel, le type, n’existe nulle part que dans la pensée de Dieu. Notre esprit le conçoit, mais nos yeux ne l’ont jamais vu ; c’est la statue voilée du temple égyptien.

De même, en architecture, l’absolu des proportions ne saurait exister. Il y a sans doute quelques lois générales, et elles sont écrites dans le Parthénon, qui par sa perfection peut servir de modèle pour des édifices bâtis sur le même plan. — La hauteur de la colonne est le tiers de la longueur du naos, c’est-à-dire de la partie du monument qui renferme l’idole ; elle est aussi le tiers de la largeur du temple, prise à la plus haute marche