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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/188

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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

nyme d’une exquise délicatesse en toute chose, c’est que les monuments de l’Attique sont en effet, comme la littérature de ce pays, l’ouvrage d’un goût pariait qui ne se rencontre plus ailleurs.

Ici se présente une difficulté. Le chapiteau ionique n’a de volutes que sur les deux faces antérieure et postérieure ; il y a des coussinets sur les côtés, de manière que les colonnes vues de profil manquent de couronnement, le chapiteau n’étant pas plus large latéralement que le fût. Il en résulte que la colonne placée à l’angle du portique doit avoir aussi des volutes sur le côté qui regarde le dehors, et faire face au spectateur dans les deux sens. Cette double face est d’ailleurs indispensable pour raccorder la colonne d’angle avec les colonnes latérales, si le portique se continue en retour d’équerre. Les Athéniens ont résolu ainsi la difficulté ; mais ils n’ont admis l’exception que pour un cas exceptionnel, pour le chapiteau des encoignures. Plus tard on supprima les coussinets, et l’on mit des volutes sur les quatre faces, comme nous l’avons observé dans tous les chapiteaux ioniques de Pompéi. Michel-Ange fut le premier, parmi les modernes, à reprendre cette tradition ou à la réinventer, et après lui, un architecte de Vicence, Scamozzi, y attacha son nom. Il faut dire cependant que l’idée d’un chapiteau ionique présentant des volutes sur toutes ses faces appartient à Ictinus lui-même. Ce grand artiste, après avoir construit le chef d’œuvre de l’architecture dorique, le Parthénon, essaya des combinaisons nouvelles dans le temple d’Apollon Épicurius, à Bassæ, près de Phigalie. On y voit, à l’intérieur, des colonnes ioniques engagées dans des têtes de murs et présentant des volutes sur les trois faces libres. Ce fut là certainement la moins heureuse des inventions qui furent inspirées à Ictinus par le désir d’innover ; je dis la moins heureuse, pour deux raisons : d’abord, parce qu’un tel changement fait perdre au chapiteau sa signification symbolique et son caractère ; ensuite, parce que, dans ce même temple de Phigalie, Ictinus fit un premier essai de la colonne corinthienne. Ignorant sans doute les plus belles œuvres de l’art grec, Vitruve ajoute à l’entablement ionique un membre d’architecture, les denticules, qui ne se trouve point dans les monuments du siècle de Périclès, ni aux temples d’Érechthée et de Minerve Poliade, ni à celui de la Victoire Aptère, ni au temple ionique sur l’Ilissus, qui a disparu, mais dont les dessins nous ont été conservés par les auteurs des Antiquités d’Athènes, Stuart et Revett. Les denticules sont une suite de petits blocs taillés en carré long et en manière de dents, mais séparés entre eux par des vides plus étroits que les dents. Placées entre la frise et le larmier, les denticules représenteraient, selon Vitruve, les extrémités saillantes des chevrons dans les toitures primitives en charpente. Cette explication, sujette à controverse, n’est qu’en partie justifiée par quelques tombeaux de l’Asie Mineure où l’imitation de la bâtisse en bois est flagrante, et dans lesquels on voit la corniche soutenue par de gros blocs carrés en saillie, figurant, il est vrai,