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ARCHITECTURE.

Daphnis élevèrent la base que Vitruve a prise pour modèle et dont il donne la règle au chapitre iii du troisième livre. Cette base repose sur un socle carré et elle se compose de deux scoties séparées par deux astragales avec leurs filets ; la scotie supérieure est surmontée d’un gros tore, comme


base ionique selon vitruve.


on le voit dans la gravure ci-jointe, de façon que, par un renversement du principe « le fort doit porter le faible », c’est ici le faible qui porte le fort. La base ionique de Vitruve est celle que les architectes de la Renaissance ont adoptée, celle qu’on enseigne dans les écoles[1]. Palladio préfère, il est vrai, la base attique : per che le base attiche a me più piacciono, dit-il (parce que les bases attiques me plaisent davantage), mais il y met une plinthe, orlo, et Philibert Delorme, qui a fait au palais des Tuileries ces colonnes ioniques dont on vante la beauté, leur a donné la base de Vitruve, que personne n’a jamais pu louer dit le judicieux Perrault.

Le chapiteau ionique a subi également quelques notables déformations chez les Romains. L’artiste athénien avait dégagé son chapiteau en y ménageant un gorgerin qui donnait plus d’importance à la tête de la colonne. Ce gorgerin formait une frise circulaire qui se prêtait à la décoration et pouvait ajouter à la richesse du monument. Si cette frise restait lisse, elle faisait ressortir les ornements de l’échine, les perles de l’astragale supérieur et les spirales refouillées de la volute. C’est ainsi qu’est disposé le chapiteau dans l’architecture de Pompéi. « On y remarque, dit M. Uchard (Revue générale d’Architecture), que les cannelures s’arrêtent à une certaine distance des volutes et laissent briller, par opposition à la partie lisse du tambour, l’ornementation du chapiteau.

Mais les artistes romains ne valaient pas ceux de la Grande-Grèce. Au temple de la Fortune ; virile, à Rome, les cannelures, en montant jusqu’au haut du fût, étranglent le chapiteau. La courbe élégante qui réunissait les volutes de l’Érechthion s’est changée en une sèche et dure ligne droite. Déjà, du reste, quelques-unes de ces altérations avaient été commises dans le temple d’Apollon Didyméen. Sans doute ce sont là de simples nuances ; mais de ces nuances dépend la pureté de l’art, ce que nous appelons l’atticisme ; et si ce mot est devenu syno-

  1. Nous avons à Paris un exemple (unique) de colonnes ioniques sans plinthe, au péristyle de l’église Saint-Paul construite par M. Hittorff.