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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

demande, dans les armoires du musée égyptien, au Louvre, des bustes de rois et de reines sur lesquels sont tracés, en hauteur et en largeur, des divisions qui se coupent à angles droits et forment des carrés. Ces lignes, jusqu’à présent inexpliquées, étaient considérées par les uns comme représentant le canon égyptien, c’est-à-dire la règle même des proportions, par les autres tout simplement comme une mise au carreau. — La mise au carreau est le procédé dont les artistes se servent le plus souvent pour répéter en petit une grande figure, ou pour répéter en grand un petit modèle. Ayant divisé l’original par des lignes transversales et perpendiculaires qui dessinent un treillis régulier, ou trace des lignes semblables sur la surface qui doit contenir la copie, de manière à y former des carreaux linéaires plus petits ou plus grands, suivant que l’on veut réduire ou augmenter les proportions du modèle. — Cette méthode avait été sans doute connue des Égyptiens ; mais les treillis gravés sur les bustes qu’on voit au Louvre étaient-ils simplement les témoins d’une mise au carreau ? L’intuition nous faisait entrevoir une explication tout autre, lorsqu’en comparant les divers bustes, nous avons été frappé de la différence des carreaux, qui, à vue d’œil, paraissaient proportionnels à la grandeur des bustes. Prenant alors au compas le côté d’un des carrés, nous avons constaté que l’ouverture du compas, reporté sur le visage, y mesurait la même longueur que le médius mesure sur la nature vivante. Ce qui n’était qu’une intuition commençait donc à se vérifier, à moins que cette vérification ne fût qu’une coïncidence, car il ne fallait point se hâter de voir une preuve là où il n’y avait peut-être qu’une combinaison du hasard. Cependant, parmi les figures, d’une élégance imposante, dessinées en Égypte par Lepsius, pour l’ouvrage publié en 1852, à Leipzig, et intitulé : Choix de monuments funéraires, nous avons rencontré à notre grande surprise l’expression figurative du canon égyptien[1]. Le personnage dont le corps est ainsi divisé en dix-neuf parties tient une clef de la main droite, et il laisse tomber le long de sa cuisse sa main gauche étendue. Mais, tandis que la huitième division, à partir du sol, est justement à la hauteur de la main droite fermée, la septième touche précisément l’extrémité de la main droite ouverte, c’est-à-dire le bout du médius.

Cette figure était donc la solution parlante du problème ; elle paraissait dessinée tout exprès pour indiquer à la fois les proportions du corps humain et l’unité de mesure, les divisions et le diviseur. Et l’unité n’est point ici d’une dimension variable et inexacte comme le nez ; c’est un doigt qui, étant composé entièrement d’os, est d’une longueur précise et invariable. Mais comment mesurer le médius ? La figure répond d’elle-même à cette question. Lorsque la main se plie ou se ferme, le médius

  1. Nous n’avions pas fait encore le voyage d’Égypte. Nous dirons un mot plus bas des autres canons que nous avons vérifiés et dessinés à Karnak et à Onibos.