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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

Il est malaisé, sans doute, de vérifier ces mesures sur les statues antiques, puisque la plupart sont mutilées et que leurs doigts sont presque toujours des restaurations modernes ; mais, comme la règle égyptienne nous le montre, le médius est égal à la hauteur de la cheville interne, à la longueur du genou, à la distance de la hase du nez au pli des frontaux, et l’une ou l’autre de ces mesures étant faciles à prendre, nous avons pu les comparer à celles du canon égyptien, et voici le résultat de nos opérations :

En mesurant les figures archaïques du temple d’Égine et les plus anciennes statues grecques du Louvre, telles que l’Athlète et l’Achille, nous avons trouvé justes nos mesures, mais seulement quand nous avons mesuré des longueurs déterminées par des os. La distance du nombril aux pectoraux est la seule qui ne soit point exacte. Dans le modèle égyptien, cette distance est de trois médius ; dans toutes les figures dont nous parlons, elle est moindre ; mais il faut observer que, lorsque l’homme s’affaisse sur lui-même ou s’allonge en se raidissant, ce sont les parties molles qui seules se prêtent, par leur élasticité, au raccourcissement ou à l’extension du corps. La différence que nous avons constatée dans la distance du nombril au creux de l’estomac s’explique donc naturellement par la position droite et raide du modèle égyptien, comparée à celle des autres figures, qui portent toutes, plus ou moins, sur une hanche, et ne sont jamais dans la pose d’un homme que l’on mesure. Quant aux membres d’une dimension invariable, ils sont tous conformes au canon égyptien, et nous en pouvons donner un exemple frappant. L’Achille, statue admirable que Visconti regarde comme un ouvrage d’Alcamène, élève de Phidias, ou du moins comme une imitation antique de l’Achille en bronze d’Alcamène, est une statue dont l’original est tout à fait contemporain de Polyclète, puisque ce maître, un peu plus jeune que Phidias, devait avoir le même âge, à peu près, que les élèves de son rival. Or, en mesurant l’Achille, nous avons trouvé la hauteur totale égale à 2 mètres 35 millimètres. Si nous retranchons de cette hauteur l’épaisseur et les reliefs du casque, nous n’aurons plus que 2 mètres ; mais, si l’on suppose la tête relevée et la figure droite (d’après les expériences faites sur nature), on regagnera précisément les 35 millimètres que nous avons retranchés. La hauteur restera donc de 2,035 millimètres. D’un autre côté, la longueur du médius, redressée d’après les calculs les plus rigoureux, et vérifiée d’ailleurs par la distance de la base du nez aux frontaux, est de 107 millimètres, qui, multipliés par 19, donnent 2,033 millimètres, c’est-à-dire la hauteur totale de la statue, à 2 millimètres près[1]. Pour ce

  1. Toutes ces mesures ont été prises par nous avec le plus grand soin et avec l’aide obligeante de M. de Longpérier, alors conservateur des sculptures au Musée du Louvre. Si les mesures de l’Achille ne s’accordent point avec celles consignées dans le catalogue de M. de Clarac, cela tient à ce qu’il y avait autrefois sur le casque de la statue un cimier qui, n’étant pas antique, en a été détaché.