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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

au Louvre, des doigts en pierre de touche ou en basalte, sur lesquels sont marquées des divisions inégales. Tantôt le médius est seul, tantôt il est joint à l’index, comme on le voit dans le dessin qui est ici gravé d’après les doigts en basalte du cabinet de M. d’Aigremont, à Paris. Ces doigts portant, par exception, des hiéroglyphes, nous les avons soumis à l’examen de M. de Rougé, conservateur du Musée égyptien, et l’habile égyptologue a décidé que ces caractères étaient apocryphes et ne présentaient aucun sens, étant composés de signes tirés au hasard des inscriptions connues. Mais ce qui vient confirmer surabondamment l’authenticité, maintenant irrécusable, du canon égyptien, c’est que dans l’écriture hiéroglyphique (nous dit M. de Rougé) un doigt est toujours pris, soit comme le signe numéral, soit comme le symbole de l’unité. Deux doigts joints et non fléchis, le médius et l’index, signifie justice, droit, règle et, par analogie, mesure, puisque la mesure est une règle matérielle, comme le droit est une règle morale. Il ne reste donc plus qu’à découvrir la signification des sections inégales, souvent marquées sur les doigts antiques des collections égyptiennes. D’autres trouveront sans doute à quoi se rapportent ces divisions, et si elles mesurent les menues parties du corps humain. Toujours est-il que la science, loin de contredire le résultat de nos études, le confirme au contraire et le vérifie.

Une autre vérification des proportions égyptiennes du corps humain s’est rencontrée dans la très belle et très importante découverte que vient de faire M. le docteur Henszlmann sur l’unité des mesures des édifices antiques (Méthode des Proportions dans l’architecture égyptienne, dorique et du moyen âge. Paris, 1859). Le savant auteur, après avoir mesuré le corps humain à sa manière, a constaté que dans les séries numériques correspondant aux divisions croissantes et décroissantes de l’échelle qu’il a inventée pour déterminer les proportions dans l’architecture antique, se trouvait la mesure exacte du médius, égale à la dix-neuvième partie de la hauteur[1].

  1. Nous aurions pu donner ici le canon que Diodore avait vu (et mal vu puisqu’il comptait 21 parties, là où il fallait lire 22), mais nous croyons devoir nous en abstenir pour ne pas jeter de la confusion dans l’esprit du lecteur. La figure que nous avons dessinée à Karnak, en 1869, on la trouvera gravée dans l’ouvrage que nous avons publié sur l’art égyptien et l’architecture arabe, sous le titre : Voyage de la Haute-Égypte, observations sur les arts égyptien et arabe. Paris, Renouard, 1876. On y verra que la division du corps humain en vingt-deux parties, compliquée d’une fraction, ne satisfait ni l’esprit ni les yeux. Non seulement ce nombre fractionnaire ne donne pas un commun diviseur, mais une telle manière de mesurer la figure humaine aplatit les pieds, affaiblit les genoux, place trop bas l’ombilic et rend le col trop court. Du reste, ce canon (celui de Karnak et d’Ombos) n’a été suivi qu’à une époque de décadence relative, à partir de la xxvie dynastie jusqu’au règne de Caracalla. On peut voir d’autres exemples de ce canon, admirablement dessinés par Prisse d’Avesnes, dans son Histoire de l’art égyptien d’après les monuments. Paris, Artlius Bertrand, MDCCCLXIII, in-folio.