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ARCHITECTURE.

teur. Du plus loin que vous l’apercevez, un édifice doit vous dire : Je suis un temple, un tribunal, une douane ; et s’il le dit clairement, c’est que déjà il possède une parfaite appropriation, qualité précieuse, mais qui n’est encore, pour ainsi parler, que le second degré du beau. Nous verrons, dans le cours de cet ouvrage, comment la beauté, même la plus haute, se lie bien souvent à la convenance, et en quoi elle en diffère.

Une autre qualité essentielle de l’architecture est la solidité. Celle-là regarde sans doute le constructeur beaucoup plus que l’artiste. Toutefois elle n’est pas sans avoir une relation, souvent intime et directe, avec la sublimité ou la beauté d’un monument. Il est telle construction des antiques Pélages ou des Pharaons qui peut éveiller en nous des pensées grandes, des sentiments d’une poésie solennelle, lorsque, par l’immensité de ses proportions et par la force évidemment inébranlable et indestructible de ses supports, elle nous annonce une durée sans bornes et nous fait songer à l’éternité, à l’infini. En parcourant la Grèce, on y rencontre

mur cyclopéen.

çà et là des fragments de murailles énormes qui semblent avoir été construites avec des rochers qu’une race de géants aurait ajustés grossièrement et amoncelés. L’imagination populaire attribuait jadis à des cyclopes venus de la Lycie la construction de ces murs gigantesques, qui de nos jours encore ont conservé le nom de murs cyclopéens. Ainsi, voilà de simples pierres qui, par la seule solidité de leurs masses colossales, ramènent notre esprit aux temps fabuleux, aux temps héroïques, et s’adressent au sentiment du voyageur en lui faisant croire qu’elles n’ont pu être détachées des montagnes et superposées que par les frères des Titans.