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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

pas des instruments de défense formidables, du moins un collectionneur d’armes antiques aurait eu là un riche champ à exploiter.

Une marche de deux heures nous amena à la porte méridionale de Tchou-Song. Aux approches de la capitale, on suit une route étroite bordée de chaque côté par de hautes murailles qui dévalent de celles qui entourent la ville. La lourde porte était fermée : on me dit que, conformément à une ancienne coutume, la nouvelle de notre arrivée devait être portée au gouverneur : par suite, nous descendîmes de cheval pour attendre son bon plaisir. Les murs étaient garnis de tourelles et de postes d’observation que couvrait en ce moment une foule innombrable ; des milliers d’yeux cherchaient à contempler l’étranger.

En vertu des ordres donnés par le gouverneur, la porte fut ouverte, et, après avoir repris nos montures, nous pénétrâmes dans les rues de Tchou-Song. La foule compacte n’était retenue que par les coups de gourdin vigoureusement appliqués par les gardes.

Après un court trajet, notre colonne tourna tout à coup à l’ouest et continua sa marche pendant cinq minutes, pour déboucher ensuite dans une large voie sur les côtés de laquelle plus de deux cents soldats, portant le même costume que ceux de notre escorte, étaient rangés sur une seule ligne. Un pavillon de réception fermait l’avenue : on y voyait assis en grande pompe le mandarin entouré d’une foule de curieux. En cet instant, un coup de fusil fut tiré. Kim en fut complètement démoralisé et je confesse que je ne me sentis pas moi-même très à mon aise, dans l’ignorance où j’étais de sa raison d’être. Ce n’était, paraît-il, autre chose qu’un signal pour nous inviter à avancer. Je descendis de cheval et, accompagné de Kim, je suivis jusqu’aux degrés du pavillon le maître de cérémonies qui rampait plutôt qu’il ne marchait : arrivé devant le gouverneur, il tomba sur ses genoux comme s’il se trouvait en présence d’un personnage royal. Quittant Kim qui entra par une porte de côté, comme le prescrit l’étiquette, je me frayai un chemin à travers la salle d’audience remplie par la foule, et pris la place d’honneur à gauche du mandarin qui m’y avait convié.

Le gouverneur était un homme d’environ cinquante ans, d’un aspect imposant, difficile à définir à cause des énormes lunettes qu’il portait, mais