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traître étang plein de boue félonne, où ils tombaient bien honteusement et y demouraient englués durant toute l’éternité, cependant que l’autruche raillarde vaguait sus le bord agitant ses fanfreluches.

Emmi les autruches s’ébattaient beaux escadrons de singes multicolores diaprés comme papillons, et réservés aux avares usuriers juifs et lombards. Lesquels, entrant ès enfers, regardaient bien autour d’eux, clignant de l’œil sous leurs lunettes, ramassaient clous rouillés, vieilles pantoufles, ordes guenilles, boutons montrant leur bois et autres antiquailles, puis cavaient hâtivement quelque trou, y celaient leur butin et s’allaient seoir à quelque distance. Les singes, voyant ce, sautaient sus le trou, le vidaient et en jetaient au feu le contenu. Lors les avares de plourer, se lamenter et d’être par les singes battus, et de querir finablement quelque endroit plus secret, et d’y enfouir derechef leurs nouvelles rapines, et de voir derechef vider le trou et d’être derechef battus, et ainsi durant toute l’éternité.

En l’air, au-dessus des singes, battaient de l’aile aigles ayant au lieu de bec vingt et six canons de mousquet tirant ensemblement. Ces aigles étaient dits royaux pour ce qu’ils étaient réservés aux princes conquérants qui durant leur vie aimèrent trop le bruit des canons