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le peuple du pôle

embûches, j’étais en outre privé, à présent que mon compagnon venait de sombrer dans la démence, du seul être sur lequel j’aurais pu m’appuyer…

Et la nuit polaire allait revenir ! Bientôt la clarté violette s’évanouirait, et ce serait la lutte inutile contre l’irrésistible sommeil. Étais-je destiné à m’en réveiller, cette fois ? S’il était vrai que les habitants du Pôle nous redoutaient, ne profiteraient-ils pas de notre impuissance pour nous immoler, ou, — hypothèse plus horrible encore, — pour nous enchaîner et nous transporter au fond de leurs demeures souterraines. Et quels supplices nous y attendraient ? Telles étaient à présent mes pensées. Je me laissai aller à un découragement morne et bientôt je sentis de grosses larmes ruisseler le long de mes joues.

Mes nerfs, détraqués par tant d’émotions successives, étaient à bout de ressort. Je défaillais de fatigue, peut être aussi de faim, et je compris soudain que j’allais m’évanouir, Alors, utilisant tout ce qui me restait d’énergie, je me levai en chancelant et me versai un grand verre de cognac que je bus d’un trait. Immédiatement, mon sang courut avec plus de chaleur et de vivacité dans mes veines : « C’est le seul moyen de reprendre un peu de courage, pensai-je… » Et, coup sur coup, je bus deux autres lampées.