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le peuple du pôle

Ensuite, il me parut que mon sort n’était pas si atroce que je me l’étais imaginé tout d’abord. Sous l’effet stimulant de l’alcool, de nouvelles pensées, plus optimistes, se firent jour dans la confusion de mon esprit, et la crise de désespoir que je venais de traverser ne me sembla plus que la conséquence d’un trouble cérébral ou d’une faiblesse physique… La disparition du moteur ? Mais, à moins que la cruauté des hommes ne fût proportionnelle à leur puissance, il était probable que le peuple du Pôle consentirait à nous le restituer tôt ou tard. Sans doute, étant données mes faibles connaissances mécaniques, il me serait difficile de remettre le ballon en état de marche et de le diriger convenablement ; mais la folie de Ceintras était-elle définitive ? Je me rappelai que de tout temps je l’avais jugé moi-même quelque peu déséquilibré, et, certes, dans les récents événements, il y avait bien de quoi désorienter et troubler momentanément l’esprit le plus sain… Enfin, à supposer qu’il me fût désormais impossible de quitter ce pays, — dussé-je même y trouver la mort avant l’heure, — valait-il la peine, après tout, de m’en attrister outre mesure ? Existait-il pour moi aucune raison sérieuse de tenir à retourner un jour dans ma patrie, à vivre de nouveau au milieu d’une civilisation familière ? Y avais-je