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le peuple du pôle

jamais su trouver autre chose que de l’ennui, de l’écœurement et du dégoût ? Mieux valait, en somme, jouir sans arrière-pensée du plaisir de voir mon unique souhait exaucé, et affronter l’aventure en homme qui n’a rien à y perdre.

Cependant, çà et là, des irisations vertes commençaient à ondoyer sur le manteau violet du jour polaire. Bientôt elles le sillonnèrent horizontalement, de plus en plus étendues, de plus en plus nombreuses, et ce crépuscule de proche en proche se transformait en nuit avec une incroyable rapidité. Déjà je sentais, comme la veille, une sorte de vertige s’emparer de moi, un voile couvrir mon esprit, mes paupières vaciller. « Non ! pas cela, pas cela ! » m’écriai-je comme si j’avais eu affaire à des ennemis conscients… Et, comprenant que j’allais encore devenir l’esclave de la peur, je me remis à boire, en attendant la nuit…

Elle vint et, accroupi dans le coin le plus reculé de la cabine, il me parut qu’elle allait m’atteindre comme la massue d’un chasseur s’abat sur une bête traquée. Mes membres s’étaient alourdis, le moindre mouvement me semblait exiger un effort énorme d’énergie et de volonté ; mais à ma grande surprise mon cerveau restait lucide