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le peuple du pôle

centaines de mètres à peine nous séparaient du gris sombre de la banquise. Plus pressé d’atteindre ce que nous considérions comme le salut définitif à mesure que nous en approchions, Ceintras actionna la pédale de l’accélérateur ; le bruit haletant du moteur se précipita au point de devenir une sorte de sifflement ininterrompu. Par les hublots nous vîmes, à la limite du monde polaire, une foule de monstres rassemblés comme pour nous contempler une dernière fois. Alors nos compagnons, s’étant penchés à la balustrade, poussèrent tous deux à la fois un cri perçant ; nous nous imaginâmes un instant qu’ils lançaient à leurs frères un suprême adieu ; mais, presque aussitôt, nous perçûmes une légère secousse, la poutre armée se balança et il nous fut facile de comprendre que nous n’avancions plus.

— Ils se sont moqués de nous, s’écria Ceintras tout blême, d’une voix rauque :

— Ils se sont moqués de nous, répétai-je machinalement…

— Ah ! mais… ah ! mais, ça ne se passera pas ainsi… Ils me le paieront cher…

Et, les lèvres écumantes, les yeux exorbités, Ceintras se jeta sur l’un des monstres dont il en serra le cou goitreux dans l’étau de ses doigts. La bouche du supplicié s’ouvrit démesurément,