Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
202
le peuple du pôle

que vont-elles devenir sous la lumière du jour, sous la chaleur du soleil, parmi des hommes qui finiront par comprendre, et qui viendront ici en masse ?… Et tu connais les hommes aussi bien que moi, tu sais quelles compagnes les suivront au Pôle : la cupidité, la discorde, la haine. Ils détruiront la splendide organisation, l’entente admirable de ce petit peuple ; ils troubleront tout, bouleverseront tout, pilleront tout. Et si ces êtres se révoltent, essayent de lutter, les hommes, répandant la mort après la ruine, les massacreront sans pitié jusqu’au dernier… Nous pouvons nous passer d’eux, ils peuvent se passer de nous… Crois-moi, ne nous faisons pas les complices conscients du plus effroyable des crimes.

— Tout ce que tu me dis est très juste et très beau, répondit Ceintras ; mais, étant donnés les progrès de la navigation aérienne, d’autres que nous accompliront sous peu à leur tour le voyage que nous fûmes les premiers à entreprendre ; et, puisque ce pays doit fatalement être bientôt connu des hommes, je suis disposé à ne céder à personne l’honneur de l’avoir découvert.

Je ne répondis pas. J’étais forcé de reconnaître en moi-même que, pour la première fois, Ceintras défendait son amour exagéré de la gloire avec les arguments irrésistibles de la raison… Et déjà quelques