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le peuple du pôle

raissaient, qui construisaient des machines, parlaient, se tenaient debout, connaissaient l’usage des vêtements et qui, par conséquent, devaient logiquement passer à leurs yeux pour raisonnables ; mais il s’était trouvé que, de ces deux créatures, l’une, frappée de folie, n’agissait plus selon la raison. Qu’en pouvaient-ils conclure sinon que dans notre espèce la raison n’existait en quelque sorte qu’à titre d’accident, imparfaitement et incomplètement, et que, par suite de cette infériorité, jointe à une brutalité incompréhensible, nous risquions de devenir pour eux des fléaux ? Hélas ! c’était en vain que j’avais tout tenté pour les rassurer ! La démence criminelle de Ceintras venait de détruire en quelques instants mon œuvre de patiente sagesse, et il n’était pas besoin de faire entrer en ligne de compte tout ce qu’il avait pu commettre depuis sa dernière disparition pour estimer que le plus faible espoir d’arranger les choses devait être abandonné désormais.

« Ah ! pensai-je, ma faute est d’avoir cru que les vieilles lois de pitié humaine méritaient d’être observées encore hors du domaine de l’humanité. Des circonstances nouvelles dictent des lois nouvelles, et la stricte raison me commandait d’immoler Ceintras, dès l’instant où sa folie m’était apparue comme inguérissable… Me plaçant en