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le peuple du pôle

actuelle… Alors, laissant là Ceintras sans pitié ni remords, je tenterais de revenir tant bien que mal chez les hommes… Mais je dus renoncer à cette idée : la liqueur rougeâtre s’était desséchée, écaillée, racornie en fines lamelles que le vent avait pour la plupart balayées et dispersées ; du reste les fragments que j’en retrouvai me parurent absolument insolubles dans l’eau, et je n’aurais pu par conséquent les utiliser même si j’en avais possédé une quantité suffisante. Mon espoir se bornait désormais à revenir ultérieurement sous la terre et à m’emparer de quelques outres de la précieuse liqueur ; mais on comprend que j’étais trop lassé et troublé pour mettre immédiatement ce projet à exécution.

Je soutins mes forces comme je pus, en buvant un peu d’eau et en mangeant un reste de biscuit retrouvé au fond d’une poche. Je dormis dans le bosquet, au pied de la colline, après avoir amoncelé des fougères sur moi pour échapper en me cachant aux représailles possibles du peuple du Pôle… J’étais misérable comme un animal poursuivi par des hommes. Je me rappelais un lion qui, dans une ville de province où j’étais passé jadis, s’échappa d’une ménagerie et fut abattu sous mes yeux, après avoir fait plusieurs victimes… Oui, quand la bête épuisée et grondante vit s’avancer vers elle