le mieux que je pouvais, je consolidais l’illusion pour accroître mon angoisse, jusqu’au moment où les nerfs tendus, la gorge serrée, prêt à fondre en larmes, j’ouvrais la porte tout à coup. Alors je remplissais éperdument mes yeux de l’azur limpide et familier, je courais, je respirais à pleins poumons, c’était la fin d’un cauchemar, une libération merveilleuse… À présent je me trouvais à peu près dans le même état d’esprit que lorsque j’avais, aux jours de mon enfance, longtemps regardé le parc à travers la vitre violette, mais cette fois il m’était impossible d’ouvrir la porte.
Tant que nous eûmes encore la neige au-dessous de nous, son reflet clair atténua quelque peu sur nos visages et sur les objets environnants le caractère fantastique que leur donnait cette lumière à la fois éblouissante et sombre. Mais la température continuait à s’élever, et, çà et là, le sol se laissait entrevoir. Quelques minutes s’écoulèrent encore et, bientôt les derniers vestiges de neige s’évanouirent à nos yeux complètement. Le thermomètre marquait + 6° centigrades ; surpris par cette tiédeur brusque, nous ruisselions de sueur ; nous étions en outre accablés par la fatigue, l’émotion, et l’attente anxieuse de ce qui allait arriver.
Bientôt apparurent vaguement des végétations.