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le peuple du pôle

Il se tourna vers moi. De ses paupières gonflées, les larmes commençaient à rouler, avec des reflets bleus et jaunes, pareilles à des gouttes de pourriture. Sur son visage ravagé par la terreur, la lumière du Pôle brouillait les traits, exagérait les rides, tuméfiait les lèvres. Il donnait l’idée épouvantable d’un cadavre qui eût remué et parlé. Mais, aux larmes près, mon aspect ne devait guère différer du sien.

— Mon Dieu, murmura le pauvre garçon en reculant jusqu’à la galerie, il me semble que nous sommes morts !…

Notre hostilité prenait toutes les formes, des plus basses jusqu’aux plus nobles, depuis la haine furieuse qui crispe les poings et nous fait ressembler à des bêtes jusqu’à l’émulation qui nous pousse parfois à prendre des attitudes de héros. Voyant Ceintras si abattu et si misérable, je sentis mon courage renaître subitement.

— En somme, lui dis-je, si tu étais en ce moment le maître de tes nerfs, tu te rendrais compte que rien ne nous menace. Il n’est que de nous avancer prudemment dans ce monde inconnu et, au besoin, un coup de gouvernail nous aura vite tirés d’affaire.

— Certainement, certainement, balbutia-t-il…

Et, des pieds à la tête, il fut secoué par un brus-