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Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/98

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le peuple du pôle

terne à quelques mètres de moi. J’entendis soudain, dans les épais fourrés de cactus et de fougères, un bruit qui me fit monter le cœur à la gorge… J’épaulai mon arme et m’avançai en tremblant ; de nouveau les feuilles s’agitèrent à dix mètres environ sur ma gauche. Le coup partit presque malgré moi !… Plus rien… Puis je m’aperçus que ma peur avait créé des fantômes et que dans les brusques frémissements des fourrés le vent seul avait été pour quelque chose ; il venait de se lever et arrivait de la banquise en bouffées glaciales qui, dans la tiédeur du Pôle, me piquaient par instant au visage et aux mains comme l’eussent fait de menus et lancinants coups de couteaux.

Ceintras, au bruit de la détonation, apparut sur la galerie. Je courus à lui et le mis au courant de tout ce que j’avais constaté depuis mon réveil. Il se contenta de hocher la tête et ne répondit pas il semblait parfaitement ahuri. Alors je lui demandai en affectant l’air le plus détaché et le plus tranquille du monde :

— As-tu bien dormi ?

Il me parut chercher péniblement des mots :

— Mal, très mal… C’est une chose étrange… je me souviens d’avoir subi jadis une opération pour laquelle on fut obligé d’employer le chloroforme…