Page:Charles Dumas - L’Ombre et les Proies, 1906.djvu/204

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L’avait taillé parfait sans nous prendre mesure.
Je songeais : Est-ce là que nous serons chez nous ?
La tempe à mon épaule et les bras à mon cou
Tu tendais vers mes yeux tes prunelles éteintes.
Chaque bruit au dehors resserrait notre étreinte ;
Un baiser sur le front, des baisers sur les yeux,
Le front encor, la joue encore, encor les yeux,
Baisers nerveux, tantôt câlins, soudain farouches...
Et lorsque garottés l’un par l’autre, affolés,
Rauques, la gorge sèche et les genoux mêlés,
Une bouche à chacun nous montait à la bouche
Comme les deux versants nés d’un double vallon
S’élèvent pour s’unir à la cime des monts,
Tu m’appuyais, brutale, à la paroi glacée,
Tu m’aveuglais avec tes paumes, comme si
Ce tragique bandeau scellé sur ma pensée,
J’eusse dû ne goûter sur ta lèvre insensée
Que l’amour dans la mort et la chair dans la nuit !
Sans doute aussi, pauvre petite, avais-tu peur
De la complicité du monde extérieur :
Bleuâtre, mer ou ciel, l’étendue était pâle,