Page:Charles Fourier Théorie des quatre mouvements 2nd ed 1841.djvu/405

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mourir de faim, à payer à la compagnie une rançon égale à la triple valeur du blé qu’elle livrerait.

Et si l’on considère que la compagnie, selon les règles de la Liberté commerciale, a le droit de ne vendre à aucun prix, de laisser pourrir le blé dans ses greniers, tandis que le peuple périrait, croyez-vous que la nation affamée serait obligée, en conscience, de mourir de faim pour l’honneur du beau principe philosophique, Laissez faire les marchands ? Non certes ; reconnaissez donc que le droit de Liberté commerciale doit subir des restrictions selon les besoins du Corps social ; que l’homme, pourvu en surabondance d’une denrée dont il n’est ni producteur, ni consommateur, doit être considéré comme dépositaire conditionnel, et non pas comme propriétaire absolu. Reconnaissez que les commerçants ou entremetteurs des échanges doivent être, dans leurs opérations, subordonnés au bien de la masse, et non pas libres d’entraver les relations générales par toutes les manœuvres les plus désastreuses, qui sont admirées de vos Économistes.

Les marchands seraient-ils donc seuls dispensés envers le Corps social, des devoirs qu’on impose à tant d’autres classes plus recommandables ? Quand on laisse carte blanche à un général, à un juge, à un médecin, on ne les autorise pas pour cela à trahir l’armée, assassiner le malade et dépouiller l’innocent ; nous voyons punir ces divers individus quand ils prévariquent ; on décapite un général perfide, on mande un tribunal entier devant le ministre, et les marchands seuls sont inviolables et sûrs de l’impunité !