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sont maintenant connus sous votre nom, le nom d’un peuple chrétien, leur sort n’est pas moins horrible que dans les caravanes ou sur les marchés. Je n’irai pas bien loin chercher mes preuves, je ne vous parlerai au milieu de tant d’autres faits dont nous avons été les témoins[1], que de faits que j’ai appris

    pays du soleil. Bientôt ce sont de toutes parts des cris de terreur et de désespoir, et tout ce qui n’est pas atteint par la flamme, étouffé par la fumée sort, en fuyant, de ce foyer ardent et tombe entre les mains des bourreaux qui attendent, pour tuer les uns et enchaîner les autres. Vous trouverez des récits semblables dans vos explorateurs et vous ne vous étonnerez plus si les provinces populeuses et fertiles du cœur africain sont, l’une après l’autre, réduites en solitudes désolées où les ossements seuls des habitants témoignent désormais que l’activité humaine, la paix le travail ont été là.

    (Discours de S. E. le Cardinal Lavigerie à Londres, p. 13 et 14.)

  1. Voici ce que le P. Moinet, missionnaire à Kibanga dans la Tanganika, écrit sur une scène d’esclavagisme dont il a été témoin :

    Kibanga, 3 décembre 1887.

    Fête de saint François-Xavier.

    Vers midi nous commençons à voir sur les collines qui entourent notre station des nègres qui semblent fuir en se dirigeant vers notre tombé. Les premiers arrivés nous apprennent qu’un chef métis esclavagiste de l’est du Tanganika vient de fondre sur la contrée. Beaucoup d’indigènes éloignés de la Mission se sauvent chez nous, avec tout ce qu’ils possèdent.

    Tout d’abord nous croyons que ce n’est qu’une fausse alerte comme il en arrive souvent dans ces contrées, mais vers trois heures nous voyons défiler au loin, vers l’est, une troupe de métis et de nègres armés, sur les hauteurs qui se trouvent en deçà de la rivière Louvou, limite du terrain de notre Mission. Tous nos néophytes fuient en toute hâte chez nous.

    En effet, ce sont les soldats de Mohammed, qui viennent faire leur razzia, comme ils font dans tous les pays qui nous environnent ; nous apprenons qu’ils viennent de saisir deux de nos enfants. Aussitôt toutes les mesures de prudence sont prises ; le tombé est fermé et des munitions sont distribuées aux nègres de notre village, dont une vingtaine vont avec le T. R. P. Supérieur et le Père Vyncke au-devant des