Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/247

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nous avons des petits ambitieux qui se veulent pousser dans les emplois du socialisme ministériel et dans les identiques emplois du socialisme antiministériel, nous l’aurons des systèmes qui voudraient arriver par le socialisme et dans le socialisme. Enfin c’est un insupportable abus de l’autorité paternelle que de vouloir imposer aux générations neuves les radotages des générations fatiguées, vieilles, que nous sommes. Justement parce que nous les aurons libérées, elles sauront beaucoup mieux que nous ce qu’elles auront à penser. La raison ne procède pas de l’autorité paternelle. Ne faisons pas au nom de la raison des vœux perpétuels pour nous-mêmes. Et n’en faisons pas pour les perpétuelles générations. Laissons l’humanité tranquille. Une révolution qui entend nous débarrasser des intérêts doit être absolument désintéressée.

Réciproquement c’est trahir la raison, comme on trahissait le socialisme, que d’introduire dans les débats de la raison des poids additionnels. Dans le débat des systèmes rationnels, ajouter à certains systèmes, au matérialisme, à l’athéisme, le surpoids des volontés socialistes, leur infuser la sève et le sang des passions révolutionnaires, c’est fausser le jeu de l’action par des interventions étrangères à l’action ; mais réciproquement c’est fausser le jeu de la raison par des interventions étrangères à la raison. C’est procurer à certains systèmes une importance démesurée dans l’histoire de la pensée. La raison ne procède pas de l’autorité socialiste, en supposant qu’il y ait une autorité socialiste. La raison ne procède pas de l’autorité révolutionnaire, en admettant que les jacobins aient vrai-