Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/248

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ment institué une autorité révolutionnaire. La raison ne dépend pas plus des masses révolutionnaires que des masses réactionnaires ou des masses inertes. Elle ne dépend d’aucunes forces. Elle ne dépend pas plus des armées révolutionnaires que des armées militaires. Elle ne dépend pas des masses populaires. Elle ne dépend pas de l’autorité manuelle.

C’est trahir la raison et c’est trahir le peuple que de vouloir établir sur le peuple un gouvernement, un commandement, une autorité de la raison. Mais c’est trahir aussi la raison et c’est trahir aussi le peuple que de vouloir établir sur la raison, par la démagogie ou par la pédagogie, un gouvernement, un commandement, une autorité des ouvriers manuels. Entendons-nous : les ouvriers manuels, parce qu’ils sont des hommes, et qu’ils ont leur part de la raison commune, ont le droit et le devoir de penser dans la mesure de leur compétence. Mais c’est un des modes les plus dangereux de la démagogie que de masquer au peuple ses incompétences inévitables, provisoires, mais provisoirement inévitables. Dénoncer au peuple des ouvriers manuels un ouvrage de philosophie parce qu’il se vend sept cinquante chez Alcan, dénoncer au peuple un ouvrage de métaphysique parce qu’il y a quinze fois le mot Dieu à la page 28 et quatre-vingt-douze fois le mot Dieu à la page 31, dénoncer au peuple cet ouvrage comme entaché de cléricalisme, je dis que c’est du jésuitisme, et je dis que c’est de l’Inquisition.

C’est du jésuitisme et c’est de la duplicité, car le journal a deux clientèles, deux régions. Si le journal