Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/382

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dénouent, toutes les énergies humaines sont équivalentes, c’est forcément la loi de la majorité qui décide. Une société n’entre dans une forme nouvelle que lorsque l’immense majorité des individus qui la composent réclame ou accepte un grand changement.

Cela est évident pour la Révolution de 1789. Elle n’a éclaté, elle n’a abouti que parce que l’immense majorité, on peut dire la presque totalité du pays, la voulait. Qu’étaient les privilégiés, haut clergé et noblesse, en face du Tiers-État des villes et des campagnes ? Un atome : deux cent mille contre vingt-quatre millions ; un centième. Et encore le clergé et la noblesse étaient divisés, incertains. Il y a des privilèges que les privilégiés renoncent à défendre. Eux-mêmes doutaient de leurs droits, de leurs forces, et semblaient se livrer au courant. La royauté même, acculée, avait dû convoquer les États-Généraux, tout en les redoutant.

Quant au Tiers-État, au peuple immense des laboureurs, des paysans, des bourgeois industriels, des marchands, des rentiers, des ouvriers, il était à peu près unanime. Il ne se bornait pas à protester contre l’arbitraire royal ou le parasitisme nobiliaire. Il savait comment il y fallait mettre un terme. Les cahiers s’accordent à proclamer que l’homme et le citoyen ont des droits, et qu’aucune