Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attenté à la propriété individuelle dans un intérêt social, en vue d’une plus large diffusion des richesses.


*
*   *


Notez que dans les biens possédés par l’individu, la loi de l’État ne fait aucune différence de forme ou d’origine, qu’elle les soustrait tous, indistinctement, à la volonté individuelle, au droit individuel, qu’elle les soumet tous aux mêmes règles de dévolution et de succession.

On pourrait comprendre, à la rigueur, au point de vue de la propriété individuelle, que la loi de l’État obligeât le père à transmettre à tous ses enfants la part de ses biens que lui-même a reçue de ses ascendants. Ce serait là comme une sorte de réserve héréditaire, de patrimoine familial que le père transmettrait comme il l’a reçu. Mais pour cette part des biens que le père lui-même a acquise, qui est son oeuvre propre, le prix de son effort personnel, peut-être la rançon de sa vie épuisée par le souci et le labeur, comment est-il possible, sans violer à fond la propriété individuelle, de ne pas lui en laisser, à lui et à lui seul, l’entière disposition ?

Or, la loi ne connaît point cela. Elle exproprie tout citoyen français de la faculté de disposer de ses biens, quels qu’ils soient, même de ceux qui