Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/223

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tombe dans mille désordres quand on se plaît à ne rien faire, ou, pour parler comme eux, qu’oisiveté est mère de tout vice ; et vous aimerez sans doute leur manière de persuader. Le second proverbe est, qu’il faut être toujours sur ses gardes : vous voyez bien que je veux dire que la défiance est mère de la sûreté[1].

Non, l’amour ne triomphe guères
Que des cœurs qui n’ont point d’affaires.
Vous, qui craignez que d’un adroit vainqueur
Votre raison ne devienne la dupe,
Beautés, si vous voulez conserver votre cœur,
Il faut que votre esprit s’occupe.
Mais si, malgré vos soins, votre sort est d’aimer,
Gardez du moins de vous laisser charmer,
Sans connaître
Celui que votre cœur veut se donner pour maître.
Craignez les blondins doucereux
Qui fatiguent les ruelles,
Et, ne sachant que dire aux belles,
Soupirent sans être amoureux.
Défiez-vous des conteurs de fleurettes ;
Connaissez-bien le fond de leurs esprits ;
Auprès de toutes les Iris
Ils débitent mille sornettes.
Défiez-vous enfin de ces brusques amans,
Qui se disent en feu dès les premiers momens
Et jurent une vive flamme ;
Moquez-vous de ces vains sermens :
Pour bien assujettir une ame,
Il faut qu’il en coûte du tems.

  1. C’est la morale de la fable dernière du troisième livre de La Fontaine : le Chat et le vieux Rat.