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Page:Charles Van Lerberghe - Lettres à Fernand Severin par Charles Van Lerberghe, 1924.djvu/8

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ses goûts… Il habitait, avec sa jeune sœur, une maison de la rue du Poivre, qui est une rue bien provinciale, dans un quartier tranquille, à deux pas d’un ancien béguinage.

Ses humanités terminées, van Lerberghe, comme beaucoup de jeunes gens de la bourgeoisie aisée, songea sans doute à faire son droit. Il fit du moins la candidature en philosophie et lettres, qui, en Belgique, forme la préparation aux études juridiques. Mais il n’alla pas au delà. Il n’avait ni goût ni aptitudes pour la profession d’avocat, et il possédait d’ailleurs de quoi se suffire matériellement. Il usa de sa liberté pour se vouer tout entier à la poésie.

Van Lerberghe se souvenait volontiers des années qu’il avait passées rue du Poivre. Il y avait rêvé, lu les grands poètes, écrit force vers, d’abord dans le goût parnassien, puis dans le goût symboliste. (Mallarmé n’eut pas de disciple plus convaincu.) Comme beaucoup d’écrivains belges, il s’intéressait à la peinture au moins autant qu’à la littérature. Et il est probable que, dès cette époque, il subissait l’ascendant littéraire et philosophique de son ami Maeterlinck, l’homme pour qui, sa correspondance l’atteste, il professa toujours la plus grande admiration.

Van Lerberghe, pourtant, ne considérait pas et ne devait jamais considérer la littérature comme une carrière. Nul moins que lui, sans doute parce qu’il était authentiquement et foncièrement poète, ne vit dans la poésie un moyen de parvenir. Il s’agissait pour lui de produire, en y mettant le temps voulu, une œuvre belle, et neuve au moins